22/06/2006

Mozart à la cathédrale : inachevé et accompli

La cathédrale de Soissons n’a rien d’une salle de concert. Sa longueur et surtout son élévation, ses colonnes qui aiment prolonger un instant le son à chaque arrêt dans une partition, font qu’elle ne s’efface jamais derrière la musique. Elles sont en partenariat. Mais elle sait recevoir les artistes. Alors que les arcs gothiques de la nef cherchent et accentuent la hauteur, la voûte romane, sous laquelle passent ordinairement les fidèles, encadre et abrite à chaque concert les formations musicales comme sur une scène de théâtre, dans un cercle de lumière chaude.
    Pour célébrer l’année Mozart, et marquer la fin de la saison soissonnaise avec éclat, Jean-Claude Casadesus a amené son Orchestre national de Lille, avec le chœur de chambre Rias de Berlin, deux instruments parfaitement accordés.
    Avant le concert, les deux pianos, quatre contrebasses et quatre violoncelles bien en évidence annonçaient la Symphonie des Psaumes d’Igor Stravinski. Cette œuvre écrite « à la gloire de Dieu » selon son compositeur, et notamment ce qu’une critique appelle sa « virulence rythmique », ont su éveiller les pierres anciennes de la cathédrale avec les sons, les tonalités et les tempi du 20e siècle. La pièce est un excitant, qui fait que la musique plus classique qui le suit s’écoute avec des oreilles aguerries.
    Après l’entracte est venu la célèbre Grande Messe en ut mineur de Mozart, d’une grande liberté d’écriture, inachevée mais d’une splendeur accomplie. Par moments, lorsqu’une fugue fait défiler les quatre pupitres des chœurs, ou pendant le « Crédo » pour soprano, brillant et tendre comme un air d’opéra, la partition évoque ce que Salieri dans la pièce « Amadeus » voit comme un désir si ardent qu’il croit y entendre la voix de Dieu
    Le public, massé aussi nombreux que pour le Cercle musical en mai, a apprécié, sans s’éterniser dans les applaudissements. Une chauve-souris mélomane, connue par les habitués des lieux, s’est emportée au point de survoler la nef, au-dessus de tous.
    A une époque où tout, images et sons, s’enregistre avec tant de facilité, il est saisissant de penser que ce concert a été momentané, disparaissant au moment même de son écoute. Cela n’a pas changé depuis l’époque de Mozart.
L'Union

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