10/05/2014

La Fontaine dans les détritus

Olivier Benoît (à droite) et Jean-Baptiste
Fontanarosa sont le bœuf et la grenouille.
« La langue du 18e est quand-même difficile » disait avec quelqu’appréhension la directrice qui escortait ses élèves dans la petite salle du Mail. « Fables » : allions-nous assister à une sage déclamation des textes de La Fontaine, soigneusement mis en scène ? Ou à un spectacle tellement ingénieux que l’œuvre y disparaîtrait corps et âmes ?
    Des bruits d’orage remplissent la soudaine obscurité. Un sac en plastique flotte dans l’air comme un hibou blanc. Deux hommes surgissent dans la lumière et dansent sur une musique urgente de comédie musicale. Le spectacle est lancé. Bêlements, caquètements, bonnet de laine, crête de papier journal : ils esquisseront quelques traits animaux, pas plus. Après tout, La Fontaine visait les vices, faiblesses et excès des hommes, sous le léger voile du monde animal.
    C’est agité, énergique, ingénieux. Mais le texte de chaque fable est prononcé avec une parfaite clarté. Il prime sur l’action. Les acteurs font honneur au « plus grand poète français », comme le dira Olivier Benoît plus tard.
    La scène est encombrée de vieux cartons, exploités savamment au fil des histoires. Le spectacle se termine par une tempête, avec soufflante et éclats de lumière. Tout est balayé jusqu’aux premiers rangs de spectateurs. Une tempête fabuleuse, comme il se doit. Entre les orages, au milieu de ses détritus, la civilisation s’est exprimée.
L'Union

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